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Gaunter de Meuré, le Maître Miroir

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Mar 8 Sep - 12:09
Identité
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▬ Prénom : Inconnu
▬ Nom : Inconnu
▬ Surnoms : Gaunter de Meuré, Peter Lartachan, Randall Flagg, Raymond Fiegler, Robert Franq, Richard Fannin, Ridwot Favrarrank, Rudin Filaro, Russel Faraday, Leland Gaunt, Marten Largecape, Walter Padick, le diable, le chaos rampant, l'homme de verre, l'homme noir, l'homme sombre, le mal incarné, le marcheur, le messager,  maître miroir.
▬ Race : Démon
▬ Origine : Inconnues
▬ Faction : Inconnue
▬ Âge : Inconnu
▬ Occupation : Héraut du Chaos
▬ Tolérance : Haine des importuns et des tricheurs
▬ Croyance : Inconnue
Objectifs
▬ A long terme: répandre le chaos.
▬ A court terme : collecter des âmes.

Physique
      L'apparence de Gaunter de Meuré est bien la seule chose qui pourrait prêter à rire lorsqu'on le rencontre pour la toute première fois. Bien qu'il ait pris pour habitude de modifier quelques uns de ses traits physiques au fil de ses innombrables voyages à travers le temps et l'espace, il conserve généralement une plastique pouvant susciter la sympathie sinon l'indifférence de ses interlocuteurs. Il aime se donner l'apparence d'un colporteur d'âge moyen dont les entreprises de vagabondage auraient influencé chaque détail de son visage, allant de sa barbe de trois jours à son ineffaçable sourire. Généralement, Gaunter de Meuré se présente dans une tenue de voyageur aux couleurs vives et criardes qui pourraient évoquer un soleil mourant sur une mer immobile. Or, lorsqu'il se doit de rester retrait pour se délecter de la contemplation de ses plans obscurs, il parvient sans moindre mal à adapter sa tenue pour se fondre dans les masses et les décors les plus anodins.
      Quant on discute avec lui, l'on est tout de suite frappé par son éloquence. Usant de sa voix douce et onctueuse, le maître miroir se distingue comme un orateur hors pairs aux manières des plus impeccables. Il aime s'exprimer avec des gestes, agitant ses mains sales comme des marionnettes, et faire preuve, avec ses paroles rieuses, d'autant de flagornerie que de finesse. Facétieux, il est très facile de discerner les humeurs de Gaunter de Meuré avec les différentes grimaces qui peuvent surgir sur sa trogne même si celui-ci semble constamment se rire d'une blague dont lui seul serait à même d'en comprendre la chute.
      Bien sûr, nul ne connait la véritable apparence du maître miroir. Et les pauvres hères qui ont eu un jour le malheur de le croiser sous sa forme véritable sont morts ou auraient sombré dans la plus terrifiante des folies.  

Caractère
      Il serait parfaitement injuste de prétendre que Gaunter de Meuré détesterait les humains car rien n'est plus faux. Les humains le fascinent et il les chérit. Il est le premier à reconnaître leurs qualités et à s'amuser de leurs défauts.  Se décrivant volontiers comme un philanthrope, le maître miroir a passé une partie de son immortalité à les contempler avec adoration avant de se mélanger à eux. Aimant leur contact et appréciant comme nul autre les délices d'une conversation, il sait savourer chaque instant ainsi que chaque détail dont il veut conserver le souvenir.  
      A ses yeux, le continent s'apparente à un immense terrain de jeu. Et l'arpenter est une véritable partie de plaisir. Lorsqu'il porte son regard sur un individu, l'on peut être certain qu'il en est séduit, d'une manière ou d'une autre, ou qu'il a reniflé une opportunité de s'enrichir ou de s'amuser.
En tant que joueur, Gaunter de Meuré aime particulièrement les défis. Ces jeux sont plus une raison d'être qu'un simple divertissement pour le démon qui ne refuserait pour rien au monde une nouvelle partie avec la promesse d'une meilleure récompense. Néanmoins, le maître miroir accepte très mal la défaite, surtout si l'on parvient à le vaincre à son propre jeu. Lorsqu'il perd et est sommé de disparaître, il continue néanmoins de hanter ses victimes et leur descendance jusqu'à trouver le moyen opportun d'obtenir vengeance.
      Bien qu'il soit étranger à notre monde, Gaunter de Meuré a beaucoup appris des manières des races civilisées. Il est d'une absolue politesse et d'une infinie courtoisie envers son prochain. En revanche, il ne saurait supporter qu'un mortel fasse preuve de grossièreté, d'irrespect, d'impertinence ou de malhonnêteté avec lui, n'hésitant pas à éliminer froidement quiconque viendrait à l'agacer.
      S'il peut se montrer d'une très grande générosité face aux besoins parfois fantasques de ses obligés, il demeure avare quant aux questions de l'existence même. Car, maître miroir le sait trop bien, il existe certaines vérités que l'esprit humain ne pourrait appréhender sans perdre inévitablement la raison.

Histoire

      La présence royale s'approcha de Carter ; dans son port fier et ses traits élégants transparaissait le magnétisme d'un dieu noir ou d'un archange déchu, et dans ses yeux s'embusquait l'étincelle indolente d'un caractère capricieux. Il parla, et dans sa voix suave pointait la musique insensée des ondes du Léthé.

— H.P. Lovecraft, La quête onirique de Kadath l'inconnue, 1939

      Il était une fois — car toutes les belles histoires commencent par il était une fois — un cordonnier qui répondait au nom de Dyvreald. Il habitait dans un village obscur aux frontières des terres connues. Un village isolé dans lequel la vie suivait péniblement son cours sans jamais avoir suffisamment de maturité pour remettre en question son existence. Les habitants de cette bourgade vivaient dans l’ignorance, parcourant les mêmes chemins et s'abreuvant quotidiennement de la même soupe sans oser rêver le confort d'autre chose. Une vie simple pour des gens simples.
      Or, Dyvreald n'était pas un garçon comme les autres. C'était un homme futé et curieux qui rêvait de voyages et de découvertes, songeant dès sa plus tendre enfance à arpenter les routes les plus distantes pour s'aventurer vers des contrées lointaines et inconnues de ses semblables. Cependant, Dyvreald était indispensable aux besoins de sa maisonnée qui ne cessait de le raisonner à chaque fois qu'il avait le tort ou la maladresse d'évoquer ses rêves de fortune et de gloire.
      – Mon p'tit Dyv', l'aventure c'est fait pour les héros, lui répétait sans cesse sa mère. Toi, tu n'es qu'un cordonnier. Les routes sont peuplées de bandits et de monstres qui auront trop vite fait de se débarrasser de toi.
      Dyvreald acquiesçait même s'il lui était douloureux d'admettre que celle-ci avait raison. Tout en hochant la tête, sa pensée restait néanmoins libre d'espérer et de croire que, bientôt, il allait quitter cet endroit et ne jamais revenir.

      Un jour, un étranger arriva au village. Il s'appelait Ridwot Favrarrank et se présenta aux habitants comme un humble marchand de miroirs. Les villageois n'étaient guère habitués à voir arriver un pareil colporteur en leurs terres esseulées mais ils l’accueillirent avec l'affabilité typique des gens du nord. Logé à côté de l'étable, il installa une petite boutique improvisée avec l'aide de quelques planches et de vieux tissus exotiques. Les clients ne se précipitèrent pas pour examiner sa marchandise, allant et venant tout en jetant des regards teintés de méfiance en direction des étranges matériaux que celui qui se faisait appeler le maître miroir présentait avec certain engouement. Seul Dyvreald eut l'audace de braver les doutes et de se rapprocher de l'étranger. Et il ne le regretta pas. Jamais il n'avait eu l'occasion de rencontrer un être aussi sensationnel, capable d'étancher sa soif de connaissances sur le monde extérieur en quelques phrases. De plus, le marchand transpirait une tranquillité certaine, comme si les nombreux déplacements qu'il avait entrepris et dont il parlait bien volontiers avaient fait de lui un individu hors normes.
      Les semaines passaient, et Dyvreald continuait de fréquenter Ridwot. Délaissant parfois son propre labeur, il passait des journées entières à écouter les récits du voyageur qui galvanisait sans cesse son envie de voyager à son tour. Puis, après avoir posé toutes les questions qui occupaient son esprit, Dyvreald vient enfin à évoquer son propre cas. Ce n'était pas une chose facile tant il avait peur que le souriant marchand de miroirs ne se moque de lui ou vienne à détruire ses espoirs à l'aide des mots qu'il employait avec plus de précision que de parcimonie. Heureusement, il n'en fût rien. Ridwot se montra même particulièrement réceptif aux déclarations de son interlocuteur et commença même à l'encourager, l'invitant à dépasser ses peurs pour partir à l'aventure. Stupéfait, le cordonnier marmonna quelques paroles confuses, mentionnant sa famille et les mises-en-garde de sa mère. Mais, le marchand de miroirs balaya ses craintes par la force de ses arguments.
      – Mon ami, il serait idiot de rejeter l'aventure alors que vous avez vous-même l'âme d'un aventurier, expliqua-t-il. Vous n'avez aucune raison de craindre les méandres des routes obscures quand vous avez l'opportunité de marcher sur les chemins éclairés par la passion des voyageurs.
      C'est alors que l’imperturbable colporteur perçut quelque chose d'étrange dans le regard de son interlocuteur. Quelque chose qu'il n'avait pu exprimer jusqu'à présent. Et pour y répondre, Ridwot se dirigea vers un coin isolé de son échoppe pour en sortir un petit coffret en bois sculpté. Un coffret d'une beauté que les yeux de Dyvreald n'avaient jamais caressée auparavant.
      – J'ai en ma possession un miroir magique qui a jadis appartenu à un grand magicien, continua le marchand en déverrouillant le coffret à l'aide d'une clé qui pendait à son cou . J'espérais le vendre à prix d'or en approchant le royaume de Novigrad, mais votre histoire m'a ému et je suis prêt à vous le céder pour la moitié de son prix.
      Dyvreald grogna d'amertume en contemplant ledit miroir. Il ne voyait rien aux propriétés magiques dont parlait Ridwot mais demeurait fasciné par la magnificence de l'artefact aux superbes finitions d'or et d'argent.
      – C'est que je n'ai pas le moindre sou vaillant, bredouilla-t-il.
      – Ce n'est pas grave, le rassura aussitôt le marchand. Il est certes d'une valeur inestimable, mais je suis prêt à vous l'offrir, disons, le temps que vous fassiez fortune. Vous me rembourserez le jour où vous reviendrez sur vos pas.
      Subjugué par autant de générosité, le cordonnier accepta l'offre du marchand. Il ne voyait pas vraiment ce que le miroir avait d'exceptionnel outre l'évidente valeur des riches matériaux qui le composaient. Dyvreald en vint presque à douter de la sincérité de Ridwot quand celui-ci lui affirmait calmement que ce miroir lui permettrait de voyager sereinement. Il l'écouta néanmoins et emballa l'auguste présent dans un épais chiffon qu'il cacha dans sa sacoche avant d'entreprendre son voyage vers l'inconnu.

      Alors qu'il s'éloignait du village, Dyvreald lança un dernier regard par-dessus son épaule avant de s'engager sur des sentiers qu'il n'avait encore jamais explorés. Son cœur battait fortement tant son émotion était vive et intense. Une part de lui était en proie à un profond malaise alors qu'il voyait la silhouette de son foyer disparaître derrière d'immenses panoramas aux reflets chaleureux. Marchant sans s'arrêter, allant toujours plus loin pour pouvoir apprécier plus de paysages inouïs et de routes insoupçonnées, Dyvreald ne tarda pas à rencontrer un premier obstacle sur sa route.
      Il voyageait depuis plus d'une journée, maintenant, et n'avait croisé aucune forme de vie excepté quelques animaux sauvages. C'est alors que les rayons du soleil qui éclairaient sa randonnée furent obscurcis par l'apparition de plusieurs individus. Ils étaient trois et vêtus tristement d'atours dépareillés. S'approchant sans crier gare, ils frappèrent Dyvreald avant même de lui adresser la parole et entreprirent aussitôt de le délester de son matériel. Le pauvre cordonnier se tortillait de douleur face aux attaques mesquines de ses agresseurs qui beuglaient leur colère lorsqu'ils s'aperçurent que la bourse de leur victime était si désespérément vide. Les brigands continuèrent de le ruer de coups jusqu'à ce que l'un d'entre eux s'empare du miroir que Dyvreald avait dissimulé dans son sac.
      La situation changea soudainement après que l'homme eut regardé son reflet dans le miroir. Nul ne saurait dire précisément ce qu'il avait vu mais il était devenu totalement livide, comme s'il venait d'assister à sa propre mort. Sifflant en direction de ses cruels compagnons, il ordonna qu'on laisse Dyvreald tranquille et aida même le voyageur à récupérer ses affaires éparpillées avant de l'escorter sur la suite de son chemin. Le cordonnier était sonné. Il ne comprenait pas ce qu'il venait de se passer. Ces hommes si agressifs avaient changé du tout au tout après avoir planté leur regard stupéfait dans le mystérieux miroir. Leur hostilité s'était métamorphosée en la plus aimable des servitudes et, sans répondre à la moindre demande, ils aidèrent Dyvreald à avancer sur une partie de son trajet, lui indiquant même des endroits propices où faire une halte à l'abri des croisements les plus périlleux. Après quelque temps en sa compagnie, ils l'abandonnèrent tout en le saluant comme s'ils étaient de vieilles connaissances.
 
     Dyvreald ne comprenait pas ce qui s'était passé. Alors qu'il regardait encore l'étrange miroir, il ne remarqua rien qui ne sortait de l'ordinaire. Aussi, il commençait à s'interroger sur les capacités réelles de l'arme qu'il avait en sa possession. Il tomba ensuite sur une puissante rivière qui lui barrait la route et qu'il ne pouvait espérer franchir à moins de trouver une passerelle ou une embarcation le lui permettant.
     Remontant la rivière, le cordonnier fût soulagé d’apercevoir un pont naturel qui enjambait cet obstacle sur son trajet. Mais, en se rapprochant, il était loin de se douter que ce passage était gardé par un troll cupide et sanguinaire. Jamais Dyvraeld n'avait fait face à pareille monstruosité. Ses jambes tremblaient d'une peur des plus sourdes lorsque la créature l'aperçut et s'avança vers lui. Le jeune homme tenta de garder son courage mais il comprit très vite qu'il était trop tard pour s'enfuir. L'imposante bête réclamait un tribut et elle n'était pas prête à laisser le cordonnier s'en aller sans avoir payé de sa poche pour l'avoir dérangée. L'homme tenta subtilement de l'apaiser, comme il aurait fait pour calmer une monture récalcitrante, mais le troll ne se laissa pas amadouer et resta prêt à bondir sur le voyageur pour lui faire regretter son voyage.   
      Paniqué par la furie du monstre qui commençait ostensiblement à perdre patience, Dyvraeld fût envahi par un paralysant frisson. Puis, sans y réfléchir mais motivé par un instinct des plus téméraires, il brandit le miroir en direction du passeur comme il aurait levé une torche pour éloigner l'obscurité. La réaction du troll ne se fit pas attendre car la vue de son propre reflet dans le mystérieux miroir lui avait complètement brûlé la rétine. Il se mit à hurler de douleur, enfonçant ses gros doigts dans ses propres orbites tout en poussant de terrifiants rugissements d'incrédulité et de haine. Profitant de sa cécité, Dyvraeld contourna la créature et poursuivit son chemin par delà la rivière.

      Le cordonnier était désormais convaincu des propriétés exceptionnelles du miroir magique. Par deux fois, l'artefact l'avait protégé face à des agresseurs qui auraient trop vite fait d'écourter son existence. Comment était-ce possible ? L'observant à nouveau mais avec plus de concentration, plus de minutie, Dyvraeld demeurait incapable de voir autre chose que son reflet. Était-il immunisé contre les effets néfastes de l'objet ? N'était-il pas assez sensible pour percevoir la magie qui l'imprégnait ? En l'absence de certitudes, il ne pouvait formuler que d'invraisemblables hypothèses. Néanmoins, il savait maintenant que le marchand de miroirs ne s'était pas joué de lui. Oui, ce miroir le protégeait. Et peut-être même qu'il allait lui permettre d'accomplir bien d'autres exploits à l'image de cette ambitieuse mais déjà exaltante aventure.  

      C'est après plusieurs semaines que Dyvraeld fit son entrée dans la capitale du royaume. Il avait entendu tant de récits au sujet de cette glorieuse cité, mais aucun d'entre eux n'avait su vanter avec suffisamment de justesse le brillant éclat d'une si rayonnante métropole. Tout n'était qu'émerveillement aux yeux du voyageur qui se promenaient ébahis sur les hautes murailles et les florissants jardins, les immenses monuments et les imposantes tours, les ports étendus et les quartiers riches où déambulaient toutes sortes de citadins aux vêtements luxueux. En ayant la chance de pouvoir découvrir un lieu si dépaysant, Dyvraeld se libéra des quelques regrets qu'il avait pu ressentir en abandonnant son lointain village. Fort de son odyssée, il se sentait enfin arrivé à destination et rêvait désormais d'entamer une nouvelle existence en ces terres si vivantes.
      Imitant le seul voyageur qu'il ait jamais rencontré, Dyvraeld s'isola dans un coin de la cité pour y construire un étal à l'aide de quelques matériaux abandonnés. Là, il entama sa nouvelle vie en proposant ses services de cordonnier. Mais, malheureusement pour lui, son savoir-faire était dépassé en ces lieux et peu de clients ne voyaient l'intérêt de traiter avec lui alors qu'ils étaient déjà habitués aux services d'un artisan autrement plus compétent. Faute de revenu, Dyvraeld connut une période de disette qui le contraignit à la mendicité. Cette désillusion manqua de pousser le cordonnier à rentrer chez lui, du moins jusqu'à ce que le destin ne vienne une fois encore à son secours.

       Un soir, alors qu'il cherchait de quoi se sustenter dans un tas de détritus abandonnés du bas-quartier où il résidait, Dyvraeld fût interpellé par des sanglots solitaires en provenance d'une ruelle adjacente. Remontant les pleurs, il se retrouva finalement face à une vieille femme à la mine pitoyable qui s'abandonnait à un désespoir des plus émouvants. Ne pouvant rester indifférent face à ses gémissements, le cordonnier se proposa d'aider la malheureuse dont les larmes abondantes avaient saccagé le maquillage qui, lui aussi, s'écoulait tel un ruisseau sur son faciès dévasté. Elle afficha un sourire inconsolable face aux bonnes intentions du jeune homme et, après un moment d'égarement et de silence compatissant, elle sortit un mouchoir brodé de sa robe de soie noire et commença à se sécher les yeux. Dyrvraeld sortit aussitôt le miroir de sa sacoche pour le lui présenter mais fût pris d'un infime moment de doute : n'allait-elle pas subir à son tour les tourments que le mystérieux objet avait infligé aux différents dangers qui s'étaient mis en travers de sa route ? Mais cette crainte fût subitement étouffée par une curiosité des plus malsaines qui motiva le cordonnier à poursuivre son geste.
      La réaction de la dame ne se fit pas attendre. Aussitôt qu'elle eut posé son regard au travers du miroir que lui tendait Dyrvraeld, elle se raidit et ses yeux s'écarquillèrent. Sa main tremblotante vint ensuite caresser un contours esseulé de l'objet qui ne reflétait rien d'autre que les murs de briques et de bois qui les encerclaient. Le cordonnier observait en silence. Et la vieille femme lui adressa un sourire mêlé d'adoration et de reconnaissance.
      – Je suis l'ancienne reine de ce royaume, souffla-t-elle d'une voix soudainement gagnée par la quiétude. L'on m'avait prédit, il y a des années, que je pourrais revoir mon époux longtemps après sa disparition. L'on m'avait dit alors que je ressentirais l'amour et l'extase de nos premières rencontres. C'est à vous que je le dois, étranger. Je suis votre débitrice.

      Dyvreald ne voyait toujours rien aux illuminations que le miroir projetait à ses interlocuteurs, mais il sentait à chaque fois les conséquences qui embrasaient leur esprit. L'accompagnant jusqu'à sa demeure, il l'aida poliment à se déplacer tout en écoutant d'une oreille attendrie les nombreux souvenirs de l'ancienne souveraine qui était gagnée par une enivrante nostalgie. L'espace d'un instant, l'on aurait cru que toute la tristesse qui la caractérisait avait disparu. L'espace d'un instant, l'on aurait cru qu'elle avait retrouvé sa couronne, son défunt époux et sa jeunesse.
      Arrivés au pied d'un des plus grands et des plus prestigieux manoirs de la capitale, la vielle dame insista pour que le cordonnier devienne son invité perpétuel. Et c'est à partir de cet instant que Dyvreald ne manqua plus jamais de rien, son hôtesse s'assurant scrupuleusement qu'il connaisse et s'habitue au luxe de la vie princière. L'ancien mendiant était ébloui par toute cette richesse qui lui était offerte pour avoir simplement présenté son bien le plus précieux à une inconnue. Celle-ci n'avait jeté qu'un court regard vers l'objet et n'avait jamais plus demandé à renouveler l'expérience, comme si la première fois avait suffit à la combler pour le restant de ces jours.
      Lorsqu'elle mourut, sourire aux lèvres, quelques mois plus tard, Dyvreald craignit de devoir retourner dans la rue. Mais à sa surprise toujours plus grandissante, il découvrit que la défunte souveraine avait fait de son invité son unique héritier et ce au détriment de ses propres enfants qui gouvernaient le royaume.

      Les années passèrent, et Dyvreald oubliait peu à peu d'où il venait et ce qu'il avait accompli avant de devenir l'un des hommes les plus riches et les influents de la cité. Il disposait de plusieurs demeures, toutes plus somptueuses les unes que les autres, d'une dizaine de vignobles et de mines, d'une écurie bondée de chevaux à la valeur inestimable ainsi que d'une armée de domestiques prêts à répondre à ses moindres caprices. Avec le privilège de commander et de recevoir, il s'était acquitté de ses velléités d'aventurier et d'explorateur au profit d'une vie dont l'apparente simplicité ne lui posait plus le moindre désagrément.
      Or, un beau jour, alors qu'il rentrait de la chasse avec ses fidèles limiers, Dyvreald tomba nez-à-nez avec le miroir qu'il pensait avoir dissimulé dans un coffre-fort inviolable dont lui seul détenait la clé. L'objet avait été abandonné en évidence sur son bureau sans qu'une quelconque trace n'indique comment il s'était retrouvé là. Dyvreald le récupéra et, pour la première fois, son reflet était obscurci par autre chose : derrière lui se tenait une silhouette moribonde, celle de sa mère dont les yeux étaient éteints et la grimace figée dans une immonde figure d'agonie.
      Dyvreald comprit alors que celle-ci était passée de vie à trépas, et sans perdre un instant, l'ancien cordonnier exigeât qu'on lui ramène la dépouille de sa mère pour l'enterrer dans le jardin de sa demeure principale. Mais personne n'était en mesure de retrouver le village isolé dont parlait leur maître. Chaque serviteur qu'il envoyait sur les routes revenait bredouille lorsqu'il n'était pas tué en chemin par un troll sanguinaire ou une troupe de hors-la-loi sans scrupule. Désespéré, Dyvreald entreprit finalement de faire la route lui-même pour retrouver la dépouille de cette mère dont le reflet dans le miroir le narguait perpétuellement.

      Étonnamment, le voyageur n'eut aucun mal à revenir sur ses pas. Il avait pris le miroir avec lui pour se défendre face aux éventuels dangers qui peuplaient sa route, mais il n'eut à aucun moment le besoin de s'en servir, comme si le trajet s'était pacifié de lui-même à mesure que Dyvraeld avançait sur cette route mémorable. Aucun troll ne se dressait sur le pont naturel qu'il avait jadis franchi. Et aucun bandit n'osa interrompre son trajet avec la même audace que lors de sa première aventure. Tout lui paraissait pourtant si familier.
      Mais après une courte semaine sur le dos de son meilleur étalon, tout cette familiarité s'estompa subitement lorsqu'il arriva à l'endroit où gisait jadis son ancien village. Il ne restait plus rien des bâtisses de bois et de paille, des chemins ruraux et des autels éparpillés à la gloire des dieux. Au milieu de ce néant se dressait fièrement Ridwot Favrarrank, silencieux et souriant. Il n'avait pas pris la moindre ride depuis leur dernière rencontre et semblait attendre là le retour de son vieil ami depuis une éternité. En voyant le sourire diabolique qui défigurait le visage du marchand, Dyrvraeld réalisa l'étendue de sa dette et le prix terrible qu'il devrait payer. Il hoqueta, saisi de stupeur. C'est alors que la sacoche échappa à son épaule crispée pour venir s'écraser au sol. Et le miroir se brisa.


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Gaunter de Meuré
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Mar 8 Sep - 23:02
M'ouais, bof, je sais pas si tu mérites une validation sur ce si prestigieux forum... mepris

Trêves de plaisanteries. Déjà, c'est pas du jeu, parce que je n'ai pas vraiment le choix puisque... ahem... tu es déjà validé. étonné
Mais pour revenir rapidement sur ta fiche (oui parce que je vais quand même me fendre d'un petit retour en public), outre les quelques coquilles qui se sont sournoisement glissées dans celle-ci, j'en ai savouré chaque phrase, tout particulièrement pour ton histoire - les descriptions donnant juste ce qu'il faut d'informations nimbées de mystère pour un tel personnage.
C'est la première fois que je peux te juger dans cet exercice particulier et je ne peux que me réjouir de savoir que tu feras danser certains de nos invités. Ton histoire en forme de nouvelle s'inscrit parfaitement dans l'identité écrite du Sorceleur et il s'y trouve suffisamment de mystère et de fantastique pour lui donner l'âme d'un Gaunter de Meuré.
Je n'ai pas grand chose à ajouter de plus. Je ne te ferai pas l'affront de poser ici le message de validation et je déplace promptement ta fiche côté validation, tu connais déjà la marche à suivre. I love you
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Borch Trois-Choucas
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Ven 18 Sep - 16:12
Relu et corrigé par une professionnelle de la question littéraire. Merci beaucoup. hello there
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