Jeu 12 Mar - 17:40 Histoire récente
Le milieu du XVe siècle a vu le monde entrer dans une phase d’avancées, de bouleversements et de transitions que les historiens appellent aujourd’hui « la Renaissance ». Si le terme est emprunté aux travaux d’Ethan de Longinelles sur les sorceleurs pour expliquer la cyclicité historique des chasseurs de monstres, son usage s’est généralisé chez les intellectuels de tout bord pour qualifier notre période. Car il est devenu apparent pour nombre d’érudits que l’humanité connaisse aujourd’hui une ère de renouveau technologique, culturel et politique marquant une rupture nette avec le précédent « ge des ténèbres ».
Au Sud, le Nilfgaard, autrefois tout-puissant, traverse une grave crise successorale que le Directoire (1420 - 1436) n’a pas su empêcher. À la mort du dernier empereur de la lignée directe des Calveit, le Nilfgaard s’est divisé progressivement entre l’empire austral et l’empire septentrional. Les deux empereurs autoproclamés s’appuient sur une légitimité qu’ils prétendent chacun tirer de leur lignage ancestral. Ils ignorent cependant que leurs incessantes querelles n’ont de cesse que de morceler toujours un petit peu plus les fragiles pieds d’argile du colosse nilfgaardien. Du grand empire rayonnant jusqu’à la Iaruga, il ne reste aujourd’hui plus qu’un territoire fragmenté et divisé entre des partis antagonistes qui s’en disputent la suprématie. Dans cette période trouble, les nostalgiques de la grandeur impériale attendent la venue de l’être providentiel capable de s’affranchir de ces considérations territoriales et culturelles pour rassembler, de nouveau, le plus vaste des empires jamais créé.
Depuis la fin de la Guerre de Cintra (1450-1460) qui a opposé le royaume renaissant de Témérie au Saint-empire de Rédanie, les royaumes du Nord cherchent à trouver leur équilibre politique dans un climat de contestation grandissant contre l’hégémonie rédanienne. Humiliée après plusieurs siècles d'ingérences étrangères, la Témérie de l’après-Quatrième Guerre voit en la personne de Philipp Tillmard le commandant qui lui permettra de redevenir seule maîtresse de son destin. Son règne personnel - qui s’impose à la suite de l'exécution du roi Notker de Wett et la dissolution du parlement de Wyzima en avril 1422 - est caractérisé par son ambition à redorer le blason témérien à travers la reconquête de ses droits et de ses territoires perdus au fil des siècles. Si la Témérie s’est à l’époque empalée sur la suprématie militaire de son voisin rédanien, la Guerre de Cintra a provoqué une révolution politique dans le royaume au lys qui, après la défaite, s’est retourné contre son Gueux-tyran, Philipp Tillmard. Sa mort en 1462 amorce la Glorieuse Révolution qui se conclut l’année suivante par la signature de la Grande Charte, garantissant à la Témérie ce statut de monarchie décentralisée, oligarchique et parlementaire dans laquelle les puissants aristocrates élisent leur roi parmi les membres des familles les plus influentes du royaume.
La transition nordienne ne trouve cependant son réel acte fondateur qu’avec la Grande Guerre du Nord (1467 - 1482), conflit majeur ayant opposé l’ensemble des puissances du Nord et que l’on dit s’être propagé jusqu’en Nilfgaard et sur le Nouveau Monde. Si de nombreuses oppositions se trouvaient cristallisées dans les luttes entre les belligérants quant à la question des mages, c’est en réalité les modalités d’un nouvel ordre universel qui se sont jouées alors. Les deux principales puissances du Nord que sont le Saint-empire de Rédanie et son placide cousin du royaume de Kovir n’ont pas tant cherché à régler leurs différends idéologiques qu’à s’assurer de leur suprématie sur les autres royaumes du Nord. Cela étant, de nombreuses forces nouvelles ont profité de cette guerre pour asseoir leur position d'alternative crédible à ces deux géants dont le rayonnement ne semblait alors pouvoir être contesté par aucune autre force.
Les royaumes non-humains d’Aen Cairne et de Mahakam ont su tirer leur épingle du jeu pour s’imposer en force sur l’échiquier politique du Continent. L’alliance formée entre les deux nations non-humaines permit à la reine Francesca Findabair et à l’ancien Vilmos Breckenrigg de Mahakam de forcer les autres monarques à reconnaître leur puissance commune. Si la Témérie et la Rédanie virent tout de suite d’un mauvais oeil cette alliance et la menace qu’elle faisait planer sur l’hégémonie des hommes, Témériens et Rédaniens profitèrent de la déclaration de guerre du roi d’Aedirn face aux refus de la reine des elfes à restituer les territoires qu’elle occupait illégalement depuis la Guerre du Nord pour tenter de résoudre définitivement la question non-humaine. Malgré l’évidente supériorité de l’alliance rédano-témérienne, la défense des montagnes de Mahakam par les nains empêcha purement et simplement les armées de l’ouest de venir au secours des forces aedirniennes. La Seconde Crise financière provoquée par ce conflit mit un terme à cette guerre sans qu’il n’y ait eu de réelle bataille pour départager les armées sur le terrain. Malgré cet apparent status quo, nul ne pouvait plus contester la renaissance des royaumes non-humains sur le Continent en vertu de ce que l’on nomma alors « l’Alliance du Mont et du Val ». Alliance qui permit à Francesca Findabair de légitimer son autorité sur une grande partie de l’Aedirn occupé ainsi que de nombreuses tractations commerciales entre Mahakam et Aen Cairne. De plus, la crise financière engendrée par les dépenses excessives des royaumes humains pour tenter de franchir les cols de Mahakam et la dévalorisation des devises témériennes et rédaniennes permirent aux entrepreneurs non-humains installés dans les grandes villes de ces royaumes de revoir leurs conditions de taxation en échange de leur aide pour renflouer les caisses de leurs hôtes.
Si les conséquences géopolitiques de ce conflit semblent favorables aux races non-humaines, ces dernières sont néanmoins victimes de la recrudescence de crimes xénophobes et revanchards à leur égard. Devant le retour de ce climat hostile à leur encontre, nombre d’elfes et de nains ont dû choisir entre l’exil et la mort.
Aussi, le Kovir, autrefois considéré comme un royaume mineur en marge des grandes puissances du Nord, s’est progressivement imposé comme l’un des principaux acteurs du continent, tant par son expansion territoriale que par l’évolution de ses institutions. Devenu aujourd’hui la première puissance magique du Nord et le principal contre-pouvoir au Saint-empire rédanien, le Kovir est le seul royaume humain à asseoir un magicien sur son trône et à disposer d’un parlement pouvant exercer une réelle contrainte sur le pouvoir royal. S’affranchissant progressivement de sa neutralité historique, ce royaume septentrional s’est régulièrement distingué lors des conflits qui ont touché les royaumes du Nord depuis l’avènement de son premier Grand-pensionnaire, Stefan Jafaharro. De part sa constitution libérale, sa riche armada marchande que l’on retrouve jusque sur les côtes du Nouveau-Monde et ses mages omnipotents, le Kovir renvoie l’image fantasmée d’une terre d’opportunités dont la fortune ne fait que sourire aux audacieux. Néanmoins, la Guerre du Nord a révélé de nombreuses dissensions philosophiques chez les mages et politiques au sein de son parlement. Le Schisme du pensionnaire Millet et la Seconde Guerre Civile de 1490 furent tous deux résolus au prix de mutations importantes au sein des organes magiques et politiques du pays. Or, le Kovir s'enorgueillit toujours d’incarner l’un des états les plus riches et les plus modernes du continent.
Dépossédés de leur identité, les royaumes de Kaedwen et de Lyrie-Rivie ont longtemps combattu pour la reconquête de leur souveraineté.
La Guerre Sanglante des deux Licornes en Kaedwen, opposant le prétendu bâtard d’Henselt, Viduka de la Licorne, aux forces de l’Archiduc de Kaedwen, Wibert Ier, est vue comme un acte fondateur de la nouvelle dynastie régnante. Aujourd’hui, c’est à travers les guerres pour la possession du Pontar que le belliqueux et revanchard peuple kaedwenien se rassemble.
Pareillement, le royaume de Lyrie et Rivie a vécu plus d’un siècle sous domination nilfgaardienne. Si de nombreuses tentatives, tantôt armées, tantôt politiques, pour s’affranchir de ce statut ont été entreprises, ce n’est qu’après la Quatrième Guerre que le royaume aux deux couronnes retrouve son indépendance. Meurtri par l’occupation, les pillages témériens et agité par les ambitions autonomistes des rois de Rivie, c’est finalement par l’entremise de la reine Maureen, descendante directe de la légendaire Meve, que ce royaume amorce sa transition. D’abord, par la signature de la Paix des Dames de 1426 donnant aux descendantes de la Reine Blanche l’unique légitimité à gouverner le royaume au détriment de ses fils. Ensuite par leur soutien aux révoltés angrains qui acceptent l’union avec le royaume de Lyrie et Rivie la même année. Aujourd’hui, Dol Angra est un royaume dont l’unique couronne se doit de maintenir les diverses cultures qui le peuplent dans une paix relative. Une paix qui ne cesse d’être agitée par les ambitions des uns et des autres, des conflits d’intérêts, parfois culturels entre ces divers partis et des ambitions étrangères sur la Perle du Nord.
Bien que ces deux royaumes aient pris part aux conflits majeurs du XVe siècle et aient cherché à se mettre en avant sur le plan militaire, c’est davantage à travers leur renouveau identitaire qu’ils pourront recouvrer l’aura qui fut un jour la leur.
Si des empires semblent se solidifier sur les tourments des plus faibles, ces derniers souffrent des affres de la guerre, de la folie et du mépris. L’Aedirn n’est plus que l’ombre d’elle-même. Ses plus grandes cités étant tombées sous le joug de Francesca Findabair, les populations aedirniennes ont fuit face à la menace elfique pour se réfugier à Guletta, l’ultime forteresse où le roi Ragenard rassemble ses forces dans l’espoir désespéré de recouvrer les possessions perdues par ses ancêtres.
Les îles Skellige ne connaissent pas non plus le repos. Les clans de l’archipel, divisés entre le culte des Anciens et la religion du Feu éternel, n’ont jamais cessé de s’affronter depuis la Guerre de Skellige (1388-1408) à la fin de laquelle Klaas Tuirseach extermina son adversaire Arjen an Craite au cours d’un combat singulier pour s’emparer de la couronne des îles. Les rivalités entre les cousins Tuirseach, convertis à la religion du Feu éternel depuis 1387, et An Craite, fidèles aux traditions, ne font que s’intensifier, rythmant les nombreux conflits frontaliers et religieux au sein de l’archipel. La Grande Guerre du Nord voit la continuité de cet affrontement jusqu’à la victoire de Hanneke an Craite sur son adversaire Lusger Tuirseach.
De la même manière, Cintra est elle aussi en proie à des querelles internes donnant lieu à un jeu de chaises musicales quant à savoir quelle famille règnera sur le royaume aux lions d’or. C’est un problème que pensaient résoudre facilement les forces de la Ligue lorsqu’ils déstituèrent le roi Adalbert Carast, proche de la famille impériale du Nilfgaard, au profit de son cousin, le corsaire Viggo Penrod, lors du sommet de Cintra de 1417. L’audace de cette décision donna naissance à la terrible faide de Cintra qui, dans tout le royaume, opposa les partisans des Carastiens à ceux des Penrods, semant d’innombrables charniers à travers le pays et obligeant jusqu’à ses monarques à fuir leur trône.
La Grande Guerre du Nord n’a pas réussi à apaiser ces conflits, bien au contraire, les récentes escarmouches entre les familles prétendantes ont débouché sur deux affrontements menant aux couronnements des frères de lait Magnus Tuirseach et Jorin Penrod, respectivement rois de Skellige et de Cintra.
Au Nord comme au Sud, les lignes bougent et tous, petits comme puissants, cherchent à revendiquer leur part du gâteau.